Le Parisien
La détresse des associatifs
S.R.
ODILE S'EST LEVÉE et a saisi le micro mardi devant le parterre d'élus et de responsables associatifs réunis à la mairie du III e : « Tout le monde se félicite de l'action des associations de locataires, des comités, de leur lutte... Assez de compliments ! On n'en peut plus, il faut nous aider maintenant ! » Très applaudi, le cri d'alarme de cette habitante d'un immeuble en vente du boulevard de Charonne (XX e ), reflète la détresse croissante de nombreux locataires, placés sur le front des ventes à la découpe depuis deux ans et qui ne voient pas leur situation s'améliorer. « Les élus nous soutiennent, c'est bien, lâche Odile. Le Collectif des découpés a été formidable et sa victoire devant les tribunaux est certainement une bonne chose. Mais ils doivent se rendre compte que certains n'en peuvent plus. C'est devenu une deuxième vie, une pression permanente. On voudrait des résultats maintenant, et pas seulement des discours ». Une autre responsable d'association d'un immeuble rue Vieille-du-Temple (III e ), acquiesce : « Notre santé est en jeu. On subit le harcèlement quotidien des propriétaires qui font tout pour nous faire partir. J'ai une amie qui s'est fait hospitaliser, une autre qui a préféré prendre ses distances. » La stratégie de harcèlement juridique proposée mardi par le Collectif des découpés a été adoptée par les associations. Mais dans l'inquiétude : « Ils doivent savoir qu'on ne tiendra pas longtemps cette guerre d'usure sans résultats rapides », prévient Odile.
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Le Parisien
Logement
Vente à la découpe : les locataires contre-attaquent
Sébastien Ramnoux
COMMENT enrayer le phénomène de ventes à la découpe, qui touche à Paris 124 immeubles aujourd'hui promis à la vente, condamnant les locataires qui n'ont pas les moyens d'acheter à quitter leur logement ? Le Collectif des découpés, qui rassemble plusieurs associations de locataires, pense avoir trouvé un défaut dans la cuirasse des fonds d'investissement et autres marchands de biens alléchés par l'explosion de la spéculation immobilière à Paris. « Pour la première fois depuis l'apparition de ce phénomène, une vente a été annulée par un tribunal pour un vice de procédure », a expliqué Benoît Filippi, président de l'Association des comités de défense des locataires mardi soir lors d'une réunion à la mairie du III e . Le tribunal a jugé début mars que le diagnostic technique obligatoire était irrégulier dans le cas d'un dossier de vente à la découpe, rue des Arquebusiers (III e ). Les magistrats ont du coup reconduit le bail du locataire qui devait quitter son logement, pendant six ans ! Westbrook, le fonds d'investissement à l'origine de la vente, a fait appel. « Tous les congés-vente de Westbrook se basent sur le même diagnostic, poursuit Benoît Filippi. On peut donc espérer faire annuler toutes les ventes de ce groupe au même motif ». Cela concernerait une centaine d'immeubles à Paris.
Bataille juridique
C'est ce que compte bien faire le collectif. Lors de la réunion à la mairie mardi soir, ils ont proposé aux différents comités de locataires montés un peu partout dans Paris de se joindre à eux et d'engager la même stratégie juridique. Une sorte de « super-association » qui mènerait partout les mêmes procédures pour dissuader les projets de vente. Plusieurs comités ont déjà accepté. Le collectif est d'autant plus résolu qu'il n'a plus d'espoir du côté législatif. Le Sénat devait adopter la nuit dernière la loi dite « Aurillac » censée mieux défendre les locataires victimes de vente à la découpe. Réclamée par les collectifs depuis des années, la loi est très contestée, jugée trop timide et inefficace (voir ci-dessous). « Il fallait absolument donner aux mairies le pouvoir de s'opposer à certaines ventes directement en cas de problèmes sociaux », a estimé la sénatrice PC de Paris, Nicole Borvo, qui a tenté, en vain, d'amender le texte.
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Le Parisien
Une loi qui favorise les plus nantis
S.R.
LA LOI Aurillac (du nom de la députée UMP de Paris à l'origine de la proposition) devait être adoptée la nuit dernière au Sénat en seconde lecture, ce qui la rend définitive. Elaborée pour mieux protéger les locataires victimes de vente à la découpe, elle est contestée car jugée insuffisante. La loi prévoit qu'un locataire devra être informé sur-le-champ d'un projet de vente à la découpe et aura un droit immédiat d'achat s'il en a les moyens. Une disposition susceptible de gêner les ventes d'immeubles entiers à des sociétés de commercialisation, qui préfèrent maîtriser tous les logements d'un seul coup. « En fait, cette disposition ne protège que les locataires qui ont les moyens d'acheter, c'est-à-dire en général un tiers des personnes concernées par les ventes à la découpe », analyse Patrick Bloche, député PS de Paris, qui avait bataillé sur le projet de loi Aurillac.